Le mythe de la soeur
Comme elle m'a manquée au coeur de cette enfance isolée, loin du monde et de la vie ! Mes parents m'ont faite en dernier, longtemps après deux frères, paysans avant l'âge. Puis ils m'ont protégée de ce monde de la terre, voulu me tourner vers la modernité... et ont oublié de me faire une petite soeur. Ou une grande. Ou, encore mieux, une jumelle. Alors, j'ai erré, de l'enfance à l'adolescence entre solitude et ennui, rêves d'une autre moi-même, frustration du partage. Peut-être est-ce pour cela que j'ai bataillé pour offrir un frère à mon fils.
J'ai toujours eu des amitiés très fortes, des amies importantes, des complices, des rires mais je sais que ça n'était pas pareil. Ce n'était pas faute d'essayer pourtant, et j'en ai eu des soeurs de sang avec serments, promesses écrites, lames de rasoir pour faire couler l'encre rouge !
Je n'aurai plus de soeur désormais... mais j'ai trouvé, je crois, celle qui a vécu la même époque que moi, celle qui se souvient comme moi, celle qui n'a que trop vécu dans les rêves, celle qui y croit encore. Nous venons du même monde, ce monde nous a façonnées différemment et, pourtant, il reste, très fort, cette compréhension mutuelle, presque magique. Et même si tant nous oppose dans nos réactions, nos besoins, il y a, au fond, et bien plus fort que tout, une reconnaissance fabuleuse.
Peut-être que je le découvre seulement aujourd'hui, après ses quelques lignes qui m'ont ouvert les yeux sur pas mal de choses, mais, oui, je crois bien qu'avoir une soeur ça doit ressembler à cela : l'évidence de ne pas être seule. Et tant pis si elle arrive bien tard, si nous sommes éloignées l'une de l'autre, je sais qu'elle est là et qu'il reste tant à vivre !